Doit-on considérer les êtres vivants comme des choses ?

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La relation entre les êtres vivants et les choses matérielles a toujours été un sujet de grand intérêt, de questionnement philosophique et d’interrogation morale. La question qui se pose est la suivante : doit-on, dans notre prise de conscience du monde qui nous entoure, considérer les êtres vivants comme des choses ? Cette problématique soulève de nombreuses interrogations sur nos conceptions traditionnelles, sur les conséquences éthiques et écologiques de la chosification des êtres vivants, ainsi que sur les perspectives contemporaines et le débat philosophique associé à cette question. Dans un monde où la frontière entre vivant et non-vivant semble de plus en plus floue, où la question de l’éthique du traitement de l’animal et de la nature prend de l’ampleur, la façon dont nous considérons les êtres vivants a d’importantes répercussions. Il est donc essentiel de s’interroger sur notre compréhension de l’être vivant et de l’objet, ainsi que sur notre interaction avec ces deux notions, dans notre époque actuelle marquée par des enjeux écologiques et éthiques importants.

I. Les conceptions traditionnelles de l’être vivant et de la chose : distinctions et similarités

Selon la conception traditionnelle résument les anciens philosophes comme Aristote, un être vivant est une entité biologique qui respire, qui se nourrit, qui se reproduit et qui meurt en opposant cela avec une chose qui est perçue comme une entité inanimée et matérialiste. Or, chacune de ces entités existent et ont donc des similarités à certains égards, mais aussi des distinctions dont la principale est la capacité des êtres vivants d’avoir une conscience de leur propre existence.

La distinction entre l’être vivant et la chose se manifeste clairement dans les mots de Descartes : « Je pense, donc je suis ». Cette phrase montre que l’existence de l’être vivant est garantie par sa capacité à penser, c’est à dire par sa conscience. Par contre, on ne peut pas dire la même chose des choses, qui sont simplement matérielles et dépourvues de conscience.

La conception traditionnelle de l’être et de la chose nous met parfois face à un dilemme moral lorsqu’il s’agit d’établir une frontière entre les deux. Pour Kant, il est immoral de traiter les êtres vivants comme des moyens pour atteindre nos fins, car ils sont une fin en soi. Ceci contraste avec la manière dont on traite généralement les choses, qui sont souvent utilisées comme des outils pour atteindre nos objectifs.

Enfin, Il faut noter que malgré ces distinctions, il existe une similarité fondamentale entre l’être et la chose : l’existence. Les deux existent bel et bien, bien que de manière différente.

II. Les conséquences éthiques et écologiques de la chosification des êtres vivants

La chosification des êtres vivants a des conséquences à la fois éthiques et écologiques. D’une part, en traitant les êtres vivants comme des choses, on nie leur valeur intrinsèque, ce qui peut conduire à des actes de cruauté et de maltraitance.

Par exemple, si nous considérons les animaux simplement comme des choses, si nous nions leur capacité à sentir et à souffrir, nous favorisons un modèle de société où la cruauté envers les animaux est justifiée et même encouragée. C’est ce que dénoncent de nombreux philosophes défenseurs des droits des animaux, comme Peter Singer et Tom Regan.

D’autre part, l’aspect écologique de la chosification des êtres vivants est également primordial. Plusieurs scientifiques et philosophes ont mis en garde contre les conséquences dévastatrices d’une telle perspective, qui promeut l’exploitation sans restriction de la nature et la dégradation de l’environnement.

III. Perspectives contemporaines : vers une reconsidération de la notion d’objet

La vision traditionnelle d’être et d’objet est remise en question par certaines perspectives philosophiques contemporaines. Le philosophe français Bruno Latour, par exemple, propose une approche différente où les objets deviennent des acteurs à part entière, participant activement à notre monde.

Le mouvement du matérialisme vibrant pousse également à repenser la notion d’objet. Selon cette perspective, les objets ne sont pas simplement passifs, inanimés et inertes, mais ont leur propre formes de vie et d’interactions. Cela suggère que notre compréhension des « choses » nécessite une révision profonde.

Néanmoins, il serait difficile d’équivaloir intégralement l’être vivant avec la chose, même dans ces perspectives contemporaines. Même si on reconnait une certaine « vitalité » des objets, leurs interactions restent très différentes de celles des êtres vivants qui sont dotés de conscience.

IV. Doit-on considérer les êtres vivants comme des choses ? Un débat philosophique central.

De nombreux philosophes contemporains s’interrogent sur la question de savoir si les êtres vivants doivent être considérés comme de simples choses. C’est une question à la fois éthique et ontologique.

D’un côté, il est clair que traiter les êtres vivants comme de simples objets a des conséquences néfastes sur l’éthique et l’écologie. D’un autre côté, repenser la notion d’objet pour y inclure davantage de vitalité et de responsabilité implique de repenser toute notre structure socio-politique et économique.

La citation d’Emmanuel Levinas, « Je suis en relation avec l’Autre avant d’établir un monde avec lui », souligne l’importance de reconnaître cette altérité, cette différence fondamentale, avant de l’incorporer à notre monde. Les êtres vivants ne sont pas des objets, ils entretiennent une relation avec nous et entre eux.

Conclusion

En conclusion, la question de savoir si nous devrions considérer les êtres vivants comme des choses est non seulement complexe, mais aussi fondamentale et en constante évolution. Nos conceptions traditionnelles distinguent souvent les êtres vivants des choses, bien que de nombreuses similarités soient présentes. Une telle chosification des êtres vivants peut entraîner de graves conséquences éthiques et écologiques, du fait de la dévaluation inhérente à ce mode de pensée. Dans les perspectives contemporaines, on assiste à une tentative de reconsidérer notre compréhension de l’objet et de la créature vivante, cherchant à établir un terrain d’entente entre ces deux concepts. C’est un défi complexe qui nécessite une réflexion et une discussion continues. Finalement, doit-on considérer les êtres vivants comme des choses ? La réponse à cette question dépend de l’angle avec lequel nous la percevons, du contexte dans lequel elle est posée, mais aussi de notre engagement éthique envers le vivant. Cette interrogation est cruciale dans notre ère anthropocène où les frontières entre le vivant et l’objet sont sans cesse repoussées, éprouvées et redéfinies. Un débat philosophique central, qui est loin d’être clos.

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